Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/307

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La Pinta se tenait près de la Santa-Maria, et les officiers et matelots des deux bâtiments s’entretenaient librement ensemble de leurs espérances et de leur situation. Colomb écouta longtemps ces conversations, cherchant à connaître l’opinion la plus généralement suivie d’après les expressions employées par les interlocuteurs, quoique la nécessité de parler haut et publiquement les forçât à y mettre plus de circonspection. Enfin il jugea l’occasion favorable pour produire un bon effet sur l’esprit de ses équipages.

— Que pensez-vous de la carte que je vous ai envoyée il y a trois jours, Martin Alonzo ? s’écria-t-il ; voyez-vous quelque chose qui vous fasse croire que nous approchions des Indes, et que notre temps d’épreuve tire à sa fin ?

Dès que le son de la voix de l’amiral se fit entendre, le silence régna partout ; car, quoique la plupart des matelots fussent mécontents, et même disposés à s’insurger contre lui, Colomb avait réussi à leur inspirer à tous un profond respect pour son jugement et pour sa personne.

— C’est une carte précieuse et bien dessinée, don Christophe, répondit don Alonzo, et elle fait honneur à celui qui l’a copiée et augmentée, comme à celui qui l’a tracée le premier. Je pense que c’est l’ouvrage de quelque savant qui a réuni sur la carte les opinions de tous les plus grands navigateurs.

— La carte originale a pour auteur un nommé Paul Toscanelli, savant Toscan, qui habite Florence ; homme qui possède de grandes connaissances, et met dans ses recherches un soin qui fait honte à la paresse. Il a joint à cette carte une lettre remplie d’observations les plus profondes relativement aux Indes, et ces îles que vous voyez placées avec tant d’exactitude. Il y parle aussi de différentes villes qu’il cite comme des exemples merveilleux du pouvoir de l’homme, particulièrement du port de Zaiton, d’où il part tous les ans plus de cent bâtiments uniquement chargés des produits du poivrier. Il dit en outre qu’un ambassadeur fut envoyé au saint-père, du temps d’Eugène IV, de bienheureuse mémoire, pour exprimer le désir du Grand-Khan, — ce qui signifie roi des rois dans la langue de ce pays, — d’être lié d’amitié avec les chrétiens de l’ouest, comme on nous appelait alors, mais qu’on appellera bientôt les chrétiens de l’est, dans cette partie du monde.

— Voilà qui est surprenant, Señor, dit Pinzon. Et comment sait-on cela ? En a-t-on acquis la certitude ?