Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/292

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— La demande est juste, mon cher Martin Alonzo, et faite en termes convenables ; cependant je ne puis l’accorder. Il est très-probable qu’en gouvernant de ce côté nous ferions des découvertes honorables ; mais en agissant ainsi nous n’arriverions pas à notre but. Le Cathay et le Grand-Khan sont à l’ouest, et nous sommes ici, non pour ajouter aux connaissances des hommes un autre groupe d’îles semblables aux Canaries ou aux Açores, mais pour compléter le cercle de la terre, et pour ouvrir le chemin à la croix de Jésus-Christ dans les contrées habitées depuis si longtemps par des infidèles.

— Señor de Muños, n’avez-vous rien à dire en faveur de notre demande ? Vous avez du crédit auprès de l’amiral, et vous pourrez peut-être obtenir de lui qu’il nous accorde notre requête.

— Pour vous dire la vérité, Martin Alonzo, répondit Luis, plutôt avec le ton d’insouciance d’un grand d’Espagne parlant à un pilote, qu’avec l’air de respect du secrétaire d’une expédition, répondant à l’officier qui l’a commandé en second, — j’ai tellement pris à cœur la conversion du Grand-Khan, que je désire ne me détourner ni à droite ni à gauche jusqu’à ce que cette grande œuvre soit bien assurée. J’ai remarqué en outre que Satan n’a que peu de pouvoir sur ceux qui suivent le droit chemin, tandis qu’il obtient tant de victoires sur ceux qui s’en détournent, que c’est avec eux qu’il peuple ses domaines.

— N’y a-t-il aucune espérance, noble amiral ? Faut-il que nous abandonnions tous ces signes encourageants, sans chercher à les suivre pour arriver à une fin avantageuse ?

— Je ne vois rien de mieux à faire, mon digne ami. — Cette pluie indique la terre ; ce calme l’indique aussi, — et voici un visiteur qui nous l’annonce encore mieux. — Regardez du côté de la Pinta, il paraît disposé à y reposer ses ailes fatiguées.

Pinzon et tous ceux qui étaient près de lui tournèrent la tête du côté indiqué, et virent avec autant de plaisir que de surprise un pélican, dont les ailes étendues pouvaient avoir dix pieds d’envergure, voler à quelques brasses au-dessus de la mer, et paraissant se diriger vers la Pinta. Cependant l’oiseau aventureux, comme s’il eut dédaigné un bâtiment de rang inférieur, passa par-dessus cette caravelle et vint s’abattre sur une vergue de la Santa-Maria.

— Si ce n’est pas là un signe certain du voisinage de la terre, dit Colomb d’un ton grave, c’est un sûr présage que Dieu est