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— Il est de mon devoir d’écouter ce que veut me dire mon seigneur et maître.

— En ce cas, écoutez, et l’histoire sera bientôt racontée. — Nous sommes réciproquement les héritiers naturels l’un de l’autre ; parmi tous ceux qui portent le nom d’Effingham, pas un seul n’est aussi proche de nous par le sang que nous le sommes l’un de l’autre ; car, quoique nous ne soyons cousins qu’au troisième degré, notre famille est si peu nombreuse que le mari, dans le cas où nous nous trouvons, est l’héritier naturel de la femme, et la femme l’héritière naturelle du mari. Or, votre père propose qu’il soit fait une estimation ; que le mien vous assure un douaire d’une somme égale à cette estimation, ce que sa fortune lui permet aisément, et qu’un droit de réversion sur les biens qui, sans cela, vous auraient appartenu en toute propriété, me soit assuré dès à présent.

— Vous possédez mon cœur, mon affection, et quelle valeur peut avoir l’argent après cela ?

— Vous êtes si véritablement femme, Ève, que je vois qu’il faudra que nous arrangions tout cela sans vous consulter.

— Puis-je être en meilleures mains ? — Un père qui a toujours été trop indulgent pour mes désirs les moins raisonnables ; — un second père qui n’a que trop contribué à me gâter d’une manière aussi inconsidérée, — et un…

— Et un mari, dit Paul, qui vit qu’Ève hésitait à prononcer devant lui un nom si nouveau pour elle, quoique si cher, — un mari qui fera tout ce qui sera en son pouvoir pour les surpasser tous deux à cet égard.

Ève le regarda avec un sourire aussi innocent que celui d’un enfant, quoique la rougeur lui montât jusqu’au front. — Un mari, dit-elle, s’il faut prononcer ce mot formidable, un mari qui fait tout ce qu’il peut pour augmenter un amour-propre qui n’est déjà que trop fort.

Un petit coup frappé à la porte fit tressaillir Ève, qui parut aussi embarrassée que si elle eût été surprise en flagrant délit. Paul lâcha la main qu’il avait continué à tenir pendant cette courte conversation.

— Monsieur, — Madame, dit la voix douce et timide de Nanny, qui entr’ouvrit la porte sans se permettre de regarder dans la chambre ; — miss Ève, — monsieur Powis.

— Entrez, ma bonne Nanny, dit Ève, reprenant son air calme