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avec amitié, quoiqu’en détournant le visage, et les yeux humides.

— Il était temps de me faire appeler, dit John Effingham, tirant à lui sa cousine toute couverte de rougeur, qu’il embrassa sur le front ; car avec vos tête-à-tête, tantôt avec des jeunes gens, tantôt avec des vieillards, je commençais à me trouver négligé. J’espère pourtant que je n’arrive pas trop tard pour exprimer en temps utile ma désapprobation très-décidée.

— Cousin John, répondit Ève en le regardant avec un air de reproche moqueur, vous êtes le dernier qui devriez parler de désapprobation, vous qui n’avez fait que chanter les éloges du pétitionnaire depuis le premier instant que vous l’avez vu.

— C’est la vérité ; et par conséquent je dois, comme tant d’autres, me soumettre aux suites de ma précipitation et de mes fausses conclusions. Eh bien ! pourquoi suis-je appelé ? est-ce pour savoir combien de mille livres j’ajouterai par an aux revenus du nouveau couple ? Comme je déteste les affaires, disons cinq tout d’un coup ; et quand l’acte sera rédigé je le signerai sans le lire.

— Bourru généreux ! s’écria Ève en riant. Mais oserais-je vous faire une question ?

— Faites-la sans scrupule, jouissez encore de votre indépendance et de votre pouvoir ; car je connais mal Paul, ou il sera le capitaine de sa frégate.

— Eh bien ! en faveur de qui êtes-vous si généreux ? est-ce pour M. Powis ou pour moi ?

— La question a son mérite, dit John Effingham en riant et ayant embrassé une seconde fois sa cousine, il ajouta : Quand on me mettrait à la torture, je ne saurais dire qui de vous deux j’aime le mieux, quoique vous ayez la consolation de pouvoir dire que vous accaparez tous les baisers.

— Vos sentiments sont presque les miens, John ; car, si j’avais un fils, je ne sais s’il pourrait m’être plus cher que Paul.

— Je vois donc qu’il faut que je me marie, — dit Ève, essuyant à la hâte quelques larmes que le plaisir faisait couler de ses yeux, car quel plus grand plaisir pouvait-elle avoir que d’entendre faire l’éloge de celui qu’elle aimait, — si je désire conserver ma place dans votre affection. Mais, mon père, nous oublions la question que nous voulions faire au cousin John.

— Cela est vrai, ma chère. — John, votre mère n’était-elle pas une Assheton ?