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temps en temps ; il avait l’air de les examiner avec attention, mais sans leur parler. Cependant en ce moment il s’arrêta devant Paul et Ève, de manière à indiquer qu’il avait quelque chose à leur dire.

— Les jeunes gens passent une nuit joyeuse, dit-il une main dans chacune des poches de son habit, et restant au centre de l’étroite allée, comme s’il eût été déterminé à les forcer de lui parler.

Quoique connaissant assez les habitudes peu cérémonieuses du pays pour ne pas être surpris de la hardiesse de cet étranger, Paul fut mécontent de voir interrompre si brusquement son tête-à-tête avec Ève, et il lui répondit avec un air de hauteur qui sentait le gaillard d’arrière, ce qu’il n’aurait pas fait en toute autre occasion.

— Peut-être, Monsieur, désirez-vous voir M. Effingham, ou — il hésita un instant en examinant l’extérieur de cet intrus — ou quelqu’un de ses domestiques ? Vous ne pouvez manquer de rencontrer le premier dans ces bosquets, et vous trouverez les autres sur la pelouse, d’où ils regardent les fusées.

L’inconnu observa Paul un instant, et ôta son chapeau avec respect.

— S’il vous plaît, Monsieur, pouvez-vous m’informer si le capitaine Truck, qui commande un paquebot allant de New-York en Angleterre, est maintenant au wigwam ?

Paul lui répondit que le capitaine se promenait avec M. Effingham, et qu’il les rencontrerait certainement en continuant à suivre la même allée. L’étranger leur fit place, et ne remit son chapeau que lorsque Paul et Ève furent passés.

— Cet homme, dit Paul, a sûrement été domestique en Angleterre ; mais il a été un peu gâté par la réaction d’une liberté excessive. Le « s’il vous plaît, Monsieur, » et le fait d’avoir ôté son chapeau, sont une preuve de sa première condition ; tandis que l’air de nonchalance avec lequel il nous a abordés annonce suffisamment la seconde édition de son éducation.

— Je suis curieuse de savoir ce qu’il peut avoir à dire à notre brave capitaine. — Il ne peut faire partie de l’équipage du Montauk ?

— Non bien certainement ; je réponds que le drôle n’est pas seulement assez marin pour faire un nœud au bout d’une corde ; car s’il y a deux états qui ont moins d’affinité entre eux que les