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un grand sacrifice ; car on pouvait à peine supposer que les ministres anglais consentiraient à accorder ce rang à un étranger qui ne se faisait pas scrupule d’avoir ses principes et ses prédilections nationales. Je ne dirai pas que cette pairie ne me semblât pas désirable, cela est inutile ; mais je suis né Américain, je veux mourir Américain, et un Américain qui pense seulement à faire valoir une telle prétention, est comme le geai au milieu des paons. Au surplus, moins on en parle, mieux cela vaut.

— Vous êtes bien heureux d’avoir échappé aux journaux qui vous auraient probablement appelé Votre Grâce, en vous élevant tout d’un coup au rang de duc.

— Au lieu de quoi, je n’aurais eu d’autre rang que celui du chien de la fable, qui ne veut ni manger, ni souffrir que d’autres mangent. Si ma tante se trouve heureuse d’être appelée lady Dunluce, je lui souhaite beaucoup de plaisir, et quand Ducie lui succédera, comme cela lui arrivera quelque jour, un excellent homme sera pair d’Angleterre ; voilà tout. Vous êtes le seul de mes concitoyens à qui j’aie jamais parlé de cette affaire, Monsieur, et je vous prie de me garder le secret.

— Quoi ! m’est-il défendu d’en parler à ma famille ? Je ne suis pas le seul ami sincère et véritable que vous ayez ici, Powis.

— À cet égard, je vous laisse toute liberté d’agir comme il vous plaira, mon cher Monsieur. Si M. Effingham prend assez d’intérêt a moi pour désirer de savoir ce que je vous ai dit, qu’il n’y ait point de mystère, — ou si… si mademoiselle Viefville…

— Ou Nanny Sidley, ou Annette, dit M. John Eflingham, avec un sourire de bonté. Eh bien ! fiez-vous à moi ; mais avant que nous nous séparions, il y a un autre fait dont je désire m’assurer, quoique un mot que vous avez prononcé me permette à peine de douter de votre réponse.

— Je vous comprends, Monsieur, et je n’avais pas dessein de vous laisser dans le doute sur un point si important. S’il y a un sentiment plus pénible que tous les autres pour un homme qui a quelque fierté, c’est de douter de la pureté de sa mère. Grâce au ciel, la mienne était sans reproche, ce qui a été clairement établi, sans quoi je n’aurais pu avoir aucune prétention à la pairie.

— Ni à sa fortune, ajouta John Effingham en respirant comme un homme qui se sent tout à coup soulagé du poids d’un soupçon désagréable.

— Ma fortune ne vient ni de mon père ni de ma mère. Je la