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et m’engagea à admirer un point de vue très-ordinaire, qu’on obtenait en regardant le Wide-Path dans une certaine direction ; mais ce point de vue se dirigeait sur sa propre demeure. Lorsque M. Wriggle fut hors de la portée de la voix, je demandai au brigadier si Bivouac ou Leaplow renfermait plusieurs prodiges semblables à lui.

— Elle en renferme assez pour causer beaucoup d’ennui, et nous rendre ridicules, répondit M. Downright. Nous sommes une nation neuve, sir John, et notre population est faible en comparaison de la grande étendue du territoire ; la mer, comme vous l’avez vu, nous sépare des parties plus anciennement habitées du monde monikin. Sous quelques rapports nous ressemblons aux habitants des campagnes : nous avons leurs vertus et leurs défauts ; nulle nation peut-être ne possède un plus grand nombre d’hommes réfléchis et vraiment respectables ; mais il existe parmi nous des individus qui, ne sachant pas se contenter de l’état pour lequel tout est si admirablement disposé autour d’eux, et influencés par l’exemple des peuples de l’ancienne région, soupirent après un ordre de choses n’interdit la nature même du sol aussi bien que l’éducation et les mœurs. En un mot, Monsieur, nous avons le vice inhérent à une société naissante, — l’imitation. Dans notre situation, elle peut d’autant moins être toujours heureuse qu’elle s’appuie nécessairement sur des descriptions. Si le mal se bornait à de pures absurdités sociales, on pourrait en rire ; mais cette soif de célébrité, qui, par malheur, acquiert un degré d’absurdité proportionné à la médiocrité de l’esprit qui l’éprouve, est tout aussi active ici que dans le reste de l’univers. Ceux qui se sont enrichis, sans pouvoir cependant acquérir ces biens que l’opulence ne peut donner, affectent de mépriser leurs concitoyens moins favorisés de la fortune. Dans leur amour de prééminence, ils s’appuient sur d’autres États, sur Leaphigh, par exemple, qui est le beau idéal de toutes les nations qui veulent créer une caste opposée au despotisme, pour régler leur opinion et déclamer contre cette masse de peuple qui est au fond la source de toute prospérité, et refuser avec obstination toutes les innovations nécessaires au bien public. Outre ce parti, nous avons encore nos politiques endoctrinés.

— Endoctrinés ! pourriez-vous m’expliquer le sens de ce mot ?

— Un endoctriné, Monsieur, fait partie d’une école politique