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faits y soient représentés sous les couleurs convenables. À cet effet, je vous conseille de choisir quelque étranger qui n’ait jamais été à Leaplow, un individu déjà payé pour écrire pour les journaux de Leapup, de Leapdown ou de quelque autre contrée étrangère. Par ce moyen, vous serez sûr d’avoir un agent impartial, un agent capable de rendre compte des faits selon le jour que vous jugerez à propos ; qui sera déjà à moitié payé pour ses services, et qui ne commettra pas de bévues en mêlant ses idées aux vôtres. Quand vous aurez trouvé un écrivain de ce caractère, recommandez-lui de lâcher de temps en temps quelques mots à la louange de votre sagacité et de votre patriotisme, et s’il disait dans l’occasion quelque chose d’agréable sur mon compte, il n’y aurait aucun mal ; cela pourrait aider la rotation de la petite roue. Pour cacher la qualité d’étranger, que cet écrivain emploie fréquemment le mot notre, l’usage fréquent de ce mot étant, comme on le saura, la preuve qu’on est citoyen de Leaplow. Qu’il commence par épeler le mot N. O. T. R. E., faites-le lui ensuite prononcer, et veillez à ce qu’il ne l’écrive pas N. A. U. T. R. E., ce qui ferait sur-le-champ reconnaître son origine. Par-dessus toutes choses vous devez être patriote et républicain ; évitant de prendre la défense de votre pays et de ses institutions, et vous bornant à dire que ses institutions sont du moins adaptées au pays. Si vous parlez ainsi de manière à laisser sur l’esprit de vos auditeurs l’impression qu’elles ne vaudraient rien partout ailleurs, cela leur sera particulièrement agréable, et votre conduite aura été complètement républicaine et très-éminemment modeste et louable. Vous trouverez les agents diplomatiques des autres pays très-susceptibles sur tout ce qui a rapport à leurs usages politiques particuliers, et prompts à les défendre c’est une faiblesse qu’il faut vous abstenir d’imiter. Notre politique étant exclusivement basée sur la raison, vous devez montrer une mâle confiance dans le pouvoir de ce principe fondamental, et ne pas risquer de diminuer l’influence que la nation doit toujours exercer, en donnant lieu de croire que vous craignez qu’elle ne soit pas en état de se défendre elle-même. Avec ces données générales et vos dispositions naturelles, qui, comme je le vois avec plaisir, sont parfaitement propres aux grands objets de la diplomatie, vu qu’elles sont ductiles, souples, maniables et dignes d’un cosmopolite, je pense que vous serez en état de bien vous acquitter de vos fonc-