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— Mais la justice, Milord, quoique administrée par d’autres, est rendue au nom du roi.

— Sans doute, en son nom ; cela fait partie de son privilège particulier. La guerre se fait aussi au nom du roi, et il en est de même de la paix. Qu’est-ce que la guerre ? C’est un conflit personnel entre des corps d’individus de nations différentes ; Sa Majesté y prend-elle part ? Certainement non. Les taxes fournissent les moyens de faire la guerre : sa Majesté les paie-t-elle ? Non. Nous voyons donc que quoique la guerre, d’après la constitution, soit faite par le roi, elle est, en pratique, faite par le peuple. Il s’ensuit donc, par corollaire, puisque vous parlez de corollaire, maître Downright, qu’il y a deux guerres, l’une de prérogative et l’autre de fait. Or, la prérogative est un principe constitutionnel, un principe très-sacré, certainement, Mais un fait est une chose qui arrive au coin du feu de chaque Monikin, et c’est pourquoi les cours ont décidé, depuis le règne de Timide II, ou depuis qu’elles l’ont osé, que la prérogative est une chose, et la loi une autre.

Les distinctions du président parurent embarrasser le brigadier, et il conclut son plaidoyer beaucoup plus tôt qu’il ne l’aurait fait sans cela. Il résuma brièvement ses arguments, et finit par chercher à démontrer que si le roi avait seulement ces privilèges particuliers, il fallait, pour en jouir, qu’il eût une mémoire.

Le président dit alors au procureur général qu’il pouvait faire sa réplique, mais ce fonctionnaire répondit qu’il croyait avoir suffisamment établi ses preuves, et qu’il laissait l’affaire à la considération des jurés, à qui le président adressa le discours suivant :

« Vous devez prendre garde, Messieurs, que les arguments du conseil du prisonnier ne jettent de la confusion dans vos idées. Il a fait son devoir ; maintenant c’est à vous à faire le vôtre. Dans le cas dont il s’agit, vous êtes juges de la loi et du fait, mais il entre dans mes fonctions de vous expliquer ce qu’est la loi et ce qu’est le fait. En vertu de la loi, le roi est supposé ne pas avoir de facultés intellectuelles. Le docte avocat prétend que le roi n’étant pas susceptible d’errer, il doit avoir les attributs moraux du caractère le plus élevé, et par conséquent une mémoire ; mais c’est un raisonnement vicieux. La constitution dit que le roi ne peut mal faire. Cette inhabileté peut procéder d’une multitude de causes : s’il ne fait rien, par exemple, il ne peut mal faire. La constitution ne dit pas que le roi ne fera rien de mal ; mais qu’il