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large pour eux, avant qu’ils soient fermes sur leurs étriers, vont ensuite aussi directement à leur but que la flèche qui part de l’arc, — un grand nombre de ceux qui cèdent à leurs sentiments naturels au commencement de leur carrière deviennent, quand elle avance vers la fin, les hommes le plus en état de les tenir dans l’assujettissement, et de les restreindre dans les bornes du sens commun et de la prudence. Avant d’avoir atteint sa vingt-cinquième année, mon père était un adorateur de Plutus, aussi constant et aussi exemplaire qu’on puisse en trouver entre Ratcliffe-Highway et Bridge-Street. Je cite particulièrement cet endroit, parce qu’il est notoire que, dans tout le reste de la grande capitale dans laquelle il était né, on a plus d’indifférence pour l’argent.

Mon père avait trente ans passés quand son maître qui, de même que lui, était garçon, augmenta son cercle domestique d’une manière fort inattendue, et au grand scandale de tout le voisinage, en introduisant chez lui une petite fille nouvellement née. On serait tenté de croire que quelqu’un avait spéculé sur son capital de faiblesse, car cette pauvre enfant, sans protection et sans ressource, avait été confiée à ses soins, comme mon père, par suite de l’intervention d’un officier de paroisse. Les beaux-esprits du voisinage lâchèrent plus d’un quolibet aux dépens du marchand d’objets de fantaisie ; ils le félicitèrent de cette faveur de la fortune ; mais les malins dirent tout bas que la petite fille ressemblait plus à tous les célibataires des huit ou dix rues voisines, qu’au digne trafiquant à qui il avait plu à la mère d’accorder les honneurs et les charges de la paternité. J’ai été très-disposé à admettre l’opinion de ces aimables observateurs comme autorité suffisante pour former mon arbre généalogique, car ce serait remonter à cette obscurité dans laquelle commencent toutes les anciennes familles d’une génération de plus, que d’adopter la présomption légale que la petite Betsy était véritablement fille naturelle de mon respectable ancêtre. Mais, en y réfléchissant bien, j’ai cru devoir m’en tenir à la version la plus simple, quoique la moins populaire, de cette aventure, d’autant plus qu’elle se rattache à la transmission d’une grande partie de notre fortune, circonstance qui donne de la dignité et de l’importance à une généalogie.

Quelle qu’ait été l’opinion secrète du père putatif sur ses droits