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— Pensez-vous, maître Berchthold, que la fille unique d’un bourgmestre de Duerckheim sortirait à cette heure sans en avoir la permission ? Notre conversation serait alors inconvenante, et je montrerais une légèreté qui conviendrait mieux aux demoiselles du village du comte Emich. On dit dans notre ville que les damoiselles du château ne sont pas très-modestes dans leurs manières.

— On calomnie nos montagnes dans les villes de la plaine ; je vous jure qu’il n’y a pas plus de modestie dans votre palais de Duerckheim que parmi nos femmes, soit du village, soit du château.

— Cela peut être vrai, et, pour l’honneur de mon sexe, je le désire. Mais je crois que vous n’aurez guère le courage, maître Berchthold, de défendre celle qu’on appelle Gisela, la fille du concierge ; je crois qu’on ne peut trouver plus de vanité dans une femme !

— On la trouve belle à Hartenbourg.

— C’est cette opinion qui gâte cette femme. Vous êtes souvent dans sa société, maître Berchthold, et l’habitude vous fait sans doute découvrir des qualités qui restent cachées pour des étrangers.

— Regardez cet oiseau coquet du défilé du Jaegerthal, dit la vieille Ilse, un matin qu’il y avait une fête dans notre vénérable église, à laquelle toute la contrée s’était rendue dans ses habits de fête ; on s’imaginerait à son roucoulement et à l’agitation de ses ailes, qu’il croit que les yeux de tous les jeunes chasseurs sont fixés sur son plumage, et qu’il craint le trait de l’archer ! Cependant, j’ai connu des animaux de cette espèce qui ne craindraient pas beaucoup la main de l’oiseleur, si l’on a dit la vérité.

— Vous jugez Gisela bien sévèrement ; car, bien que ses paroles soient légères, et qu’elle ait de l’admiration pour sa propre beauté, on ne doit cependant pas dédaigner la société de cette fille, et sa conversation est surtout agréable.

— Je ne fais que répéter les paroles d’Ilse, maître Berchthold.

— Ilse est vieille et babillarde, et elle doit souvent dire des folies.

— Cela peut être ; mais prenez-le comme il vous plaira, les folies de ma nourrice sont mes folies. Je crois qu’il est trop tard pour me corriger de tout ce que j’ai appris par ses discours ; et,