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voûte majestueuse, un autre l’image expressive de Marie, comme si tous s’attendaient à quelque manifestation surnaturelle de la colère divine. L’issue aurait été douteuse, si la trompette en bois de cerisier de Gottlob n’eût de nouveau retenti fort à propos pour tirer son maître d’embarras. Le malin drôle imagina qu’en imitant d’une manière grotesque le cri des bêtes de son troupeau, il produirait une diversion d’un effet certain, et que ces sons bizarres, en se prolongeant sous les voûtes de l’église, feraient un contraste avec le ton oratoire du père Johan. L’influence du ridicule, dans des moments où la raison balance, où les passions flottent incertaines, est trop connue pour exiger un long commentaire ; c’est encore un de ces caprices de l’humanité qui déjoue toutes les théories, et qui prouve combien l’homme est loin d’être un animal purement raisonnable, comme il en a la prétention.

L’expédient que la présence d’esprit de Gottlob avait imaginé eut un plein succès. Les plus ignorants des partisans du comte, ceux dont l’esprit grossier avait été le plus près de céder à un sentiment de superstition, furent les premiers à reprendre courage ; et comme ce sont ceux qui ont les opinions les moins arrêtées qui crient ordinairement le plus pour les soutenir, cette partie de la troupe se mit à répondre à cet appel par d’assourdissantes vociférations. Emich respira enfin, car, sous la double influence de sa propre défiance et de l’hésitation de ses compagnons, il s’imaginait depuis un instant que la destruction, si longtemps méditée, de la communauté de Limbourg, allait se trouver inopinément suspendue.

Encouragés réciproquement par leurs cris, les vainqueurs se remirent à l’ouvrage en riant de leurs alarmes. Déjà on avait fait au milieu de la nef un immense bûcher des chaises et des confessionnaux ; on y jeta une torche enflammée : le feu fut mis dans l’église partout ou se trouvait quelque aliment qu’il pût dévorer ; et des artisans de Duerckheim trouvèrent moyen de monter sur les toits, et d’assurer la destruction de l’édifice en y propageant l’incendie. Depuis longtemps tous les bâtiments extérieurs étaient la proie des flammes, de sorte que la montagne embrasée présentait aux yeux des habitants de la vallée le spectacle d’une immense et magnifique éruption.

Pendant ce temps, Emich se promenait dans le chœur, tantôt s’applaudissant du succès de son entreprise, tantôt craignant de