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son pardon dans ce jour anniversaire de son crime. Nous ne prétendons point ici montrer par quel sentiment de la fragilité humaine la femme d’Heinrich Frey était conduite à cette indulgence et à une sympathie si délicate envers celui auquel elle avait été fiancée. Nous ne jouons point ici le rôle de censeur de la conduite des femmes, mais nous essayons d’exposer les mouvements du cœur, soit en bien, soit en mal. Il suffit à nos projets que le résultat du tableau entier soit une leçon favorable à la vertu et à la vérité.

Lorsque Ulrike s’aperçut qu’elle pouvait conduire sa compagne où elle le désirait sans courir le risque de s’exposer à des lieux communs de morale, débités avec la plus grande volubilité, elle dirigea ses pas vers le couvent. Comme le lecteur a probablement parcouru notre Introduction, il n’est pas nécessaire de dire autre chose, sinon qu’Ulrike et sa compagne suivirent la même route que nous prîmes nous-même en allant d’une montagne à l’autre. Mais Ilse marchait bien plus lentement que nous ne marchions lorsque nous étions guidés par Christian Kinzel. La descente même fut lente et longue pour une personne de son âge, et la montée bien plus pénible encore. Pendant ce dernier trajet, Ulrike elle-même fut contente de se reposer souvent afin de respirer plus librement. Elles allaient cependant par le sentier qu’elles avaient parcouru à cheval dans la matinée.

L’aspect de la nuit n’avait point changé. La lune semblait se promener au milieu des nuages laineux comme auparavant ; sa lueur n’avait rien de brillant, mais elle suffisait pour éclairer le sentier. Dans ce moment, les bâtiments du monastère se détachaient sur les nuages avec leurs tours sombres et gothiques, ressemblant à une architecture de géant ; on aurait pu s’imaginer que ceux qui avaient élevé ces murailles se reposaient de leurs travaux dans leur enceinte. Habituée à prier le Seigneur aux autels du monastère, Ulrike n’approcha pas des grilles sans un sentiment d’admiration. Elle leva les yeux vers la porte fermée et sur les murailles sombres : elle trouvait partout la tranquillité de la nuit. Il y avait une faible lueur, sur un côté de la tour élevée et étroite qui contenait les cloches, et qui flanquait la grille ; elle reconnut qu’elle venait d’une lampe qui brûlait dans la cour devant une image de la Vierge. Cela n’indiquait pas que le portier lui-même fût éveillé. Elle avança cependant vers le guichet et sonna