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à la dédaigner ? Ne suis-je pas vieille, et quelqu’un peut-il dire mieux que moi ce qui est un péché ou ce qui n’en est pas un ? saviez-vous ce que c’était qu’un péché, dans votre enfance, avant que je ne vous l’eusse appris ? Ne suis-je pas mortelle, et par conséquent fragile ? Ne suis-je pas femme, et par conséquent curieuse ? Ne suis-je pas âgée, et par conséquent remplie d’expérience ? Adressez-vous à moi, et vous saurez ce que c’est qu’un péché, un péché qui a grand besoin de pardon.

— Bien, cela est possible, Ilse ; mais je voudrais que tu reportasses tes pensées sur le passé, et que tu prisses conseil de ton expérience dans une affaire qui me touche de près.

— Il doit être question de Meta, rien ne touche une mère d’aussi près que sa fille.

— Tu as raison en partie, c’est de Meta et de nous en effet que je désire parler. Tu as été plus d’une fois à l’Heidenmauer avec ma fille chercher les conseils de l’anachorète ?

— En effet, vous pouvez dire plus d’une fois, et peu de personnes de mon âge en seraient revenues si légèrement, et avec si peu de fatigue.

— Et que dit-on dans le pays du saint homme, de son origine, de son histoire, veux-je dire ?

— On en dit beaucoup, et ce sont des choses saintes et édifiantes. On pense qu’une de ses bénédictions vaut mieux que deux de l’abbaye ; car on ne connaît point de mal de lui, tandis qu’on impute au monastère bien des choses qui ne sont pas vraies, j’aime à le croire pour ma part, Ulrike, et je ne suis point une personne qui traite ces matières légèrement. Je me croirais plutôt sauvée par une seule prière de l’ermite que par celles de tous les religieux de Limbourg réunis. J’en excepte le père Arnolph, qui, s’il n’est point anachorète, mérite bien de l’être par ses vertus. Oh ! c’est un homme, si justice lui était faite, qui ne devrait jamais goûter d’autre liqueur que de l’eau de source, et n’avoir d’autre nourriture que du pain dur comme le rocher !

— Et as-tu vu l’ermite de l’Heidenmauer ?

— Il m’était suffisant d’avoir la vue de sa hutte. Je ne suis pas de ces personnes qui ne peuvent avoir de bonnes choses en leur possession sans en abuser. Je n’ai jamais levé les yeux sur le saint homme ; car c’est un remède que je garde soigneusement contre les tentations qui nous accablent même dans la vieillesse. Atten-