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voir et pour sa fierté ; à la manière dont elle contrariait ses vues ; à l’opposition constante qu’elle avait apportée à sa suprématie dans la vallée, motif d’animosité augmenté encore par la conduite dissolue et audacieuse d’une trop grande partie de ses membres, l’image du père Aruolph, entouré de tout ce qui est doux et noble dans la vertu chrétienne, s’opposait secrètement aux effets que ses premières pensées avaient produits. Emich ne pouvait pas, malgré sa volonté, chasser de son imagination le souvenir de la douceur, de la charité et de l’abnégation du moine, que de longs rapports avec lui lui avaient fait connaître, et dont cette récente entrevue avait encore augmenté l’impression. Mais il se préparait un spectacle dans la cour du couvent qui affaiblit cette heureuse influence du prieur, en opposant la fierté du noble à ses sentiments religieux ; et cette impression fut aussi forte que le plus grand ennemi de Limbourg aurait pu le désirer. Nous avons dit que les murailles extérieures de l’abbaye entouraient l’étendue de la montagne sur laquelle était situé le couvent. Bien que les bâtiments fussent vastes et nombreux, la petite plaine qui était sur son sommet était assez spacieuse pour que les moines y prissent de l’exercice. Outre les cloîtres qui étaient très-grands, il y avait encore des jardins derrière la demeure de l’abbé, et une cour d’une étendue considérable immédiatement devant l’église. Au milieu de cette cour on voyait de nombreux groupes de paysans ; et une troupe de soldats en bataille portant les couleurs et reconnaissant l’autorité de l’électeur Frédéric. Le signal secret donné par le père Boniface, lorsque le comte entra dans le chœur, avait préparé ce spectacle désagréable pour le seigneur voisin.

Tandis que les hommes d’armes étaient appuyés sur leur arquebuse, apportant une grave attention à la discipline militaire, le chevalier de Rhodes et l’abbé français s’occupaient à faire leur cour à la belle compagne du bourgmestre de Duerckheim, et à sa fille peut-être plus belle encore. Le jeune Berchthold se tenait à l’écart, surveillant cette entrevue avec un sentiment d’envie et de jalousie tout à la fois.

— Bonjour, noble comte Emich, s’écria le bourgmestre d’un air ouvert, mais ôtant son bonnet, lorsque le seigneur approcha du lieu où le bourgeois s’était arrêté, attendant cette rencontre avant de mettre le pied dans l’étrier. Je craignais que la chapelle de vos pères ne me privât de l’honneur dont je jouis en ce mo-