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enchantées du midi, qui s’arrachent les cheveux ou appellent les saints dans les moments d’alarme, mais des marins faits à une mer capricieuse, et habitués à placer leur principal espoir dans un courage aidé de la vigilance et de l’habileté que donne une longue expérience. Cent yeux à bord du croiseur surveillaient l’approche du nuage, ou regardaient le jeu de lumière et d’ombre qui faisait varier la couleur de l’eau, mais c’était avec calme et avec une entière confiance dans les talents du jeune officier qui avait le commandement du vaisseau.

Ludlow se promenait sur le tillac avec sa tranquillité habituelle, autant qu’on pouvait en juger par son extérieur, quoique en réalité son esprit fût agité par des sentiments qui n’avaient rien de commun avec les devoirs de sa place. Il avait aussi jeté quelques regards sur l’orage qui s’approchait, mais ses yeux étaient plus souvent arrêtés sur le paisible brigantin, toujours à l’ancre, et qu’on voyait alors distinctement du pont de la Coquette. Le cri : Un étranger est dans le Cove ! qui était parti un instant du haut du vaisseau, ne causa aucune surprise au commandant, tandis que l’équipage étonné, mais obéissant, commença à comprendre le but des étranges manœuvres du bâtiment. L’officier dont le grade était immédiatement au-dessous de celui du capitaine, n’avait pas osé lui-même faire aucune question, mais lorsque l’objet de leur course fut en vue, il s’enhardit à faire cette remarque sur le caractère du bâtiment.

— Voilà un joli navire ! observa le grave lieutenant en cédant à une admiration naturelle à son état, et il pourrait servir de yacht à la reine ! C’est un bâtiment qui se joue sans doute des revenus de la couronne, ou peut-être un boucanier des îles. Il ne montre aucune couleur !

— Avertissez-le, Monsieur, de son devoir envers un homme revêtu d’une commission royale, répondit Ludlow parlant par habitude, et ne sachant qu’à moitié ce qu’il disait. Il faut apprendre à ces corsaires à respecter notre pavillon.

Le bruit d’un coup de canon fit revenir Ludlow de sa distraction, et lui rappela l’ordre qu’il venait de donner.

— Ce canon était-il chargé à boulet ? demanda-t-il d’un ton qui ressemblait à un reproche.

— Oui, mais on a pointé dans le vide, Monsieur ; c’est seulement un avertissement. Nous ne sommes pas muets sur la Coquette, capitaine Ludlow.