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— D’ailleurs, vous savez que la religion peut venir après le mariage.

— Oui, mon frère, mais je sais aussi qu’elle peut nous quitter ; aucune femme vraiment pieuse ne peut être heureuse lorsque son mari s’écarte de la route qui conduit au bonheur éternel ; et il serait inutile et illusoire de croire en se mariant réformer son mari. La femme qui s’est abusée à ce point n’a fait que mettre en danger son propre salut ; car, au lieu de suivre son exemple, celui qu’elle a cru ramener ne cherchera qu’à la détourner de devoirs qui le gênent et qui l’accusent. On est bien faible contre celui qu’on aime ; l’imprudente succombera, ou sa vie ne sera qu’une lutte pénible et continuelle entre des devoirs opposés.

— Mais si votre opinion était généralement adoptée, je suis effrayé du coup mortel qu’elle porterait au mariage.

— Je ne puis être de votre avis, mon frère ; je suis persuadée qu’un homme qui étudierait sans passion et sans prévention notre religion sainte, serait bientôt chrétien du fond du cœur ; et, plutôt que de rester garçons toute leur vie, les hommes se décideraient à une recherche qui cesserait bientôt de leur paraître pénible. Si les femmes étaient moins empressées de trouver des maris, ceux-ci feraient plus d’efforts pour se rendre dignes de les obtenir.

— Mais comment se fait-il, Charlotte, dit le baronnet en plaisantant, que votre sexe n’use pas de son pouvoir pour réformer le siècle ?

— L’ouvrage de la réformation, sir Edward, est une tâche bien difficile ; combien il pourrait être avancé cependant, si tous ceux à qui est confiée l’éducation des jeunes gens mettaient à leur apprendre leurs véritables devoirs le zèle qu’ils apportent à leur donner des talents futiles et périssables.

— Mais les femmes doivent se marier, dit le baronnet en revenant à sa première idée.

— Le mariage est certainement l’état le plus naturel et le plus désirable pour une femme ; mais combien il y en a peu qui, en le contractant, connaissent tous les devoirs qu’il impose, et particulièrement celui de mère ! Au lieu d’avoir été élevées de manière à faire un choix convenable, les jeunes personnes n’envisagent souvent cet engagement solennel que comme l’instant qui doit les affranchir de toute contrainte ; il est vrai que si leurs parents