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manger de viande, lui dit M. Lieou, prenez du moins une tasse de vin pour dissiper votre chagrin. » Mais Yi-tchouan répondit : « Il n’est pas encore parvenu la plus petite quantité de vin chez les ombres des morts[1], comment pourrais-je en boire en pensant à celui qui n’est plus ? » Ayant achevé ces mots,

  1. C’est une opinion généralement répandue en Chine que les esprits des morts descendent aux enfers, où ils expient leurs péchés par des souffrances et montent ensuite dans le séjour de la félicité, tandis que d’autres ont la permission de passer d’un corps à l’autre pour repeupler le monde. La présentation d’offrandes à ses ancêtres et à ses parens décédés est regardée comme un devoir de piété filiale ; les plus sages Chinois considèrent de même l’action de présenter des offrandes à ceux qui n’ont pas laissé de descendans pour remplir ce devoir, ainsi qu’à ceux qui ont péri de mort prématurée, soit qu’ils aient été assassinés ou qu’ils soient morts de faim ou de maladie ; ils pensent que cette action est aussi méritoire que de soulager les pauvres. Ils ne décident pas si les esprits font ou non usage de ces offrandes, mais ils concluent que ces actes sont agréables aux dieux.