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sa plume savante aurait rendu plus fidèlement les maximes de Confucius, que certains passages de la Matrone de Soung. Ce dernier conte, le plus piquant de ceux que Dentrecolles a traduits, est une preuve que les Chinois ont connu ces fables milésiennes dont il faisait partie, et qui ont couru le monde. C’est la supposition la plus naturelle qu’on puisse faire ; car comment imaginer qu’un second modèle ait pu fournir, au bout de l’Asie, l’aventure sur laquelle est fondé ce récit satirique ? Il est curieux d’examiner la manière dont l’auteur chinois s’y est pris pour accommoder ce sujet aux mœurs de son pays. L’idée de l’éventail, l’indignation de la femme de Tchouang-tseu à la pensée d’une légèreté comme celle de la première veuve, sont des traits de génie que Voltaire n’a pas dédaigné d’emprunter au conteur chinois, et dont celui-ci n’était pas redevable aux premiers inventeurs. Le dénouement de la Matrone de Soung est d’une rare extravagance. Ceux des autres nouvelles, en général, en sont aussi la partie faible. C’est que l’idée ingénieuse qui se présente à un auteur, et les développemens agréables qu’il sait y donner, ne le soutiennent pas toujours jusqu’au bout, et que s’il y a mille moyens variés pour former une intrigue, il n’y en a qu’un très-petit nombre pour la dénouer. Molière, dans son chef-d’œuvre, un célèbre auteur de nos jours dans ses