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usuriers ; on y observera des complots de fripons et des scènes de brigands ; et comme il y a de tout cela, même dans une nation d’Asie, ces traits compléteront la peinture des habitudes chinoises. Lazarille de Tormes et la princesse de Clèves sont également des tableaux d’après nature, et l’art du romancier a de quoi satisfaire tous les goûts.

La nouvelle qui ouvre ce recueil n’avait jamais été publiée ; le sujet en est bizarre pour des Européens, et il faut s’être bien pénétré des idées Chinoises pour en apprécier le mérite. Une femme exposée pendant plusieurs années à d’odieuses persécutions, sans jamais perdre de vue la vengeance qu’elle doit à ses parens, et dès qu’elle l’a obtenue, quittant sans regret la vie qu’elle ne supportait que par devoir, est aux yeux des Chinois un modèle d’héroïsme, et l’exemple de la piété filiale. On ne voudrait pas chez nous que le crime et le châtiment de Sextus fussent séparés par un aussi long intervalle. La nouvelle qui retrace cet étrange dévoûment offre encore une autre singularité. Elle a été mise en latin par un Chinois, disciple de quelqu’un de nos missionnaires, et nommé Abel Yan. Ce traducteur d’une espèce nouvelle n’avait fait que de médiocres progrès dans la connaissance du rudiment ; il écrivait la langue de Cicéron à-peu-près comme ce capucin qui regardait la théologie comme une science trop