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CHAPITRE XIV

Terme inévitable des succès
d’une nation conquérante


La force nécessaire à un peuple, pour tenir tous les autres dans la sujétion, est aujourd’hui, plus que jamais, un privilège qui ne peut durer. La nation qui prétendroit à un pareil empire se placeroit dans un poste plus périlleux que la peuplade la plus foible. Elle deviendroit l’objet d’une horreur universelle. Toutes les opinions, tous les vœux, toutes les haines la menaceroient, et tôt ou tard ces haines, ces opinions et ces vœux éclateroient pour l’envelopper.

Il y auroit sans doute dans cette fureur, contre tout un peuple, quelque chose d’injuste. Un peuple tout entier n’est jamais coupable des excès que son chef lui fait commettre. C’est ce chef qui l’égare, ou, plus souvent encore, qui le domine sans l’égarer.

Mais les nations, victimes de sa déplorable obéissance, ne sauroient lui tenir compte des sentimens cachés que sa conduite dément.