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et lointains, parvenus comme des murmures jusqu’à la solitude des deux abandonnés.

Elle se redressa brusquement, et jeta autour d’elle des regards de terreur : — « Qu’y a-t-il ? » demanda-t-elle à voix basse, puis regardant en face Gaspar Ruiz : « Où suis-je ? »

Il pencha tristement la tête, sans un mot.

— « … Qui êtes-vous ? »

Il s’agenouilla lentement devant elle, et toucha l’ourlet de sa jupe d’étoffe grossière : — « Votre esclave ! » dit-il.

Elle aperçut alors, à travers un nuage de poussière, le tas de décombres qui avait été la maison : — « Ah ! » cria-t-elle, en pressant sa main contre son front.

— « Je vous ai enlevée de là-bas », murmura-t-il, à ses pieds.

— « Et eux ? » demanda-t-elle, avec un grand sanglot.

Il se leva, la prit par le bras, et la mena doucement vers la ruine informe, à demi recouverte par un glissement de terrain. — « Venez écouter », dit-il.

La lune sereine les vit grimper sur cet amas de gravats, de solives et de tuiles, qui était une tombe. Ils collèrent leurs oreilles contre les interstices, guettant un gémissement, un soupir de douleur.

A la fin l’homme dit : — « Ils sont morts du coup ! Vous êtes seule. »

Elle s’assit sur un morceau de poutre grillée, un bras sur le visage. Il attendit, puis approcha ses lèvres de l’oreille de la jeune fille : — « Partons », murmura-t-il.

— « Partir d’ici, jamais ! Jamais ! » s’écria-t-elle, en levant les bras au-dessus de sa tête.

Il se pencha sur elle et les bras levés retombèrent sur ses épaules. Il la souleva, se remit d’aplomb, et partit, les yeux droits devant lui.

— « Que faites-vous ? » demanda-t-elle, faiblement.— «