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ne résiste pas. Et c’est fort probable. Nous n’allons pas démolir un bon soldat, si nous pouvons faire autrement. Écoutez ! Je suis curieux de voir cet hercule. Le picaro veut un général ! Eh bien, il en aura un à qui parler. Ha ! Ha ! J’irai moi-même assister à sa capture, et vous en serez aussi naturellement. »

Et l’expédition s’organisa pour le soir même. Aux dernières lueurs du crépuscule, maison et verger furent silencieusement cernés. Plus tard, le général et moi quittâmes un bal où nous assistions, en ville, et gagnâmes le vallon au petit galop. Nous nous arrêtâmes à quelque distance de la maison, en remettant nos chevaux à un soldat, monté. Un coup de sifflet doux avertit les guetteurs du ravin, et nous montâmes sans bruit jusqu’au porche. La maison barricadée semblait vide sous le clair de lune.

Le général heurta la porte. Après quelques instants, une voix de femme demanda, de l’intérieur, qui était là. Mon chef m’allongea un coup de coude qui me coupa le souffle.

— « C’est moi, le lieutenant Santierra », balbutiai-je, comme un homme qui étouffe : « Ouvrez ! »

La porte s’ouvrit furtivement. La jeune fille tenait à la main une maigre chandelle. En voyant un autre homme avec moi, elle se mit à reculer lentement devant nous. Son visage impassible et pâle lui donnait un air de spectre. Je marchais derrière le général Robles. Elle tenait les yeux fixés sur moi. Je fis un geste d’impuissance par-dessus le dos de mon chef, et m’efforçai de donner à mon visage une expression rassurante. Nous ne soufflions pas mot.

Nous nous trouvions dans une pièce au plancher et aux murs nus, qui renfermait, pour tout mobilier, une table grossière et deux tabourets. Une vieille femme aux cheveux gris épars, se tordit les mains à notre approche. Un bruyant éclat de rire sonna de façon sinistre et