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VIII


Señores, racontait le général à ses hôtes, les préoccupations d’amour qui m’enchantaient à cette époque n’empêchaient pas la vue de cette demeure de m’affecter toujours désagréablement, surtout sous le clair de lune qui lui donnait, avec ses persiennes closes et son aspect abandonné, un air parfaitement sinistre. Je continuais pourtant à passer par le chemin du ravin, parce que c’était un peu raccourci. L’énergumène ricanait et hurlait tout son saoul, chaque soir, sur mon passage, mais au bout d’un certain temps, il cessa de se montrer à la porte, comme si mon indifférence l’eût lassé. Comment on l’avait convaincu de rester en paix, je ne saurais le dire. Évidemment, avec Gaspar Ruiz dans la maison, il n’y avait pas de difficulté à le retenir de force. Il devait entrer maintenant dans les plans de ces gens-là de ne rien faire qui pût me provoquer. Au moins, je le suppose.

— Mon engouement pour les plus beaux yeux du Chili ne m’empêcha pas, au bout d’une semaine, de remarquer l’absence du vieillard. Quelques jours passèrent. Je commençais à penser que ces royalistes avaient pu déguerpir. Puis un soir, comme je me hâtais vers la ville, je vis une silhouette sous le porche. Ce n’était pas le