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dans son pays, c’était un véritable suicide pour le pauvre Comte.

Il y a un dicton de l’orgueil napolitain, fait je suppose à l’usage des étrangers : « Voir Naples, et puis mourir. » « Vedi Napoli, e poi mori. » C’est un mot d’excessive vanité, et tout excès était odieux à la modération policée du pauvre Comte. Pourtant, à la gare où je l’avais accompagné, je songeai qu’il montrait une fidélité singulière à l’esprit d’orgueil de ce proverbe. « Vedi Napoli... » Il avait vu Naples ! Il l’avait vue avec une netteté stupéfiante... et maintenant il s’en allait vers son tombeau. Il y courait par le train de luxe de la Compagnie Internationale des Wagons-Lits, via Trieste et Vienne. Au moment où les quatre longues voitures sombres sortaient de la gare, je levai mon chapeau, avec le sentiment solennel de payer un ultime tribut de respect à un convoi funèbre. Le profil du Comte, déjà très vieilli, s’éloignait dans une immobilité de pierre, derrière la vitre lumineuse ! Vedi Napoli e poi mori !