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ma vie à votre disposition, pendant quinze ans. Très bien. Maintenant que l’affaire est terminée à mon avantage, je réclame du même principe pour disposer de votre vie comme je l’entendrai. Vous la tiendrez à ma disposition, tant qu’il me plaira, ni plus ni moins. Vous êtes mon prisonnier sur parole, jusqu’à ce que je vous donne la liberté.

— Voilà une situation absurde pour un général de l’Empire, s’écria Féraud avec une conviction profonde et effarée. Alors je vais passer le reste de ma vie à attendre votre bon plaisir, avec un pistolet chargé dans mon tiroir. C’est... c’est idiot ! Je serai un objet de... dérision !

— Absurde ? Idiot ? Croyez-vous ? demanda le général d’Hubert, avec une feinte gravité. C’est possible ; mais je n’y peux rien. Pourtant, il est peu probable que j’aille causer beaucoup de cette aventure, et personne n’a besoin d’en savoir plus que l’on n’en a su jusqu’à ce jour, sur l’origine de notre querelle. Pas un mot de plus, ajouta-t-il vivement. Je ne puis discuter cette question avec un homme qui, en ce qui me concerne, n’a plus d’existence.

Quand les deux duellistes sortirent du bois, Féraud un peu en arrière et apparemment plongé dans une sorte de léthargie, les deux témoins accoururent, chacun de leur côté. Le général d’Hubert prit la parole, d’une voix forte et distincte :

— Messieurs, je me fais un devoir d’affirmer solennellement ici, en présence du général Féraud, que notre différend est enfin réglé pour de bon. Vous pourrez en informer tous ceux que la chose intéresse.

— Une réconciliation, après tout ? s’écrièrent-ils en même temps.

— Une réconciliation ? Pas tout à fait. Quelque chose de beaucoup plus solide. N’est-ce pas, général Féraud ?

Le général Féraud se contenta de baisser la tête en