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tout. Un peu de lumbago. Des pistolets, oui. Cela fera du beau gibier pour ma carnassière. J’ai l’œil aussi vif que jamais. J’aurais voulu que vous me vissiez, en Russie, décrocher au vol des Cosaques avec un vieux fusil d’infanterie. J’ai des dons naturels de tireur.

Le général pérorait, redressant sa tête aux yeux de chouette et au nez d’oiseau de proie. Simple combattant toute sa vie, cavalier, sabreur, il concevait la guerre avec la plus grande simplicité, comme une foule de combats singuliers, une sorte de duel collectif. Et voilà qu’il retrouvait sa propre guerre. Il revivait. L’ombre de la paix s’écartait de lui comme une ombre de mort. C’était la résurrection merveilleuse du nommé Féraud, Gabriel-Florian, engagé volontaire de 1793, général de 1814, enterré sans cérémonie par un ordre de service du ministère de la Guerre de la seconde Restauration.