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D’Hubert éprouvait une mortification excessive. Il haussa légèrement les épaules, sans répondre. Il ne pouvait ignorer tout ce qu’il portait de responsabilités.

Le colonel baissa les paupières et adoucit encore sa voix.

— C’est déplorable, murmura-t-il. Puis changeant d’attitude : Voyons ! fit-il, d’un ton persuasif, mais avec cet accent d’autorité qui appartient aux vrais meneurs d’hommes ; il faut arranger cette affaire. Je veux en être informé tout au long. Je demande, comme votre meilleur ami, à tout savoir.

La haute puissance de l’autorité, l’influence persuasive de la bonté affectèrent fort le blessé qui sortait de son lit de douleur. La main que d’Hubert appuyait sur le pommeau d’une canne trembla légèrement. Cependant son tempérament de septentrional, sentimental mais prudent, et clairvoyant dans son idéalisme, contint le désir qui le poussait à raconter toute la monstrueuse et imbécile affaire. Selon le précepte d’une sagesse transcendante, il tourna sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler, et ne prononça que des paroles de gratitude.

Le colonel l’écoutait, intéressé d’abord, puis il parut intrigué. A la fin, fronçant les sourcils.

— Vous hésitez, mille tonnerres ? Ne vous ai-je pas dit que je consentais à discuter avec vous en ami?

— Oui, mon colonel ! répondit doucement d’Hubert. Mais j’ai peur qu’après m’avoir écouté en ami, vous n’agissiez en supérieur.

Le colonel fit claquer ses mâchoires d’un air soucieux.

— Et alors, fit-il nettement. L’affaire serait-elle donc si terriblement honteuse ?

— Pas du tout, déclara d’Hubert d’une voix faible mais nette.

— Évidemment j’agirai pour le bien du service. Rien