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camarade. Voilà un écervelé qui a besoin d’une leçon, déclara-t-il sèchement, et ils ne demandèrent pas de meilleures raisons.

Dans ces conditions, une rencontre à l’épée de combat fut décidée pour un matin, dans un champ propice. A la troisième reprise, d’Hubert se trouva allongé sur l’herbe humide de rosée, avec un trou au côté. Un clair soleil se levait à sa gauche, sur un paysage de prés et de bois. Un chirurgien, non l’amateur de flûte, mais un autre, se penchait sur lui pour examiner la blessure.

— Vous l’avez échappé belle, mais ce ne sera rien, affirma-t-il.

D’Hubert entendit ces paroles avec plaisir. Un de ses témoins, assis dans l’herbe mouillée, lui soutenait la tête sur ses genoux, et disait :

— C’est la fortune de la guerre, mon pauvre vieux ! Que veux-tu ? Vous feriez mieux de vous réconcilier comme deux bons bougres, allons !

— Tu ne sais pas ce que tu demandes, murmura le lieutenant d’Hubert, d’une voix faible. Pourtant s’il...

Dans un autre coin de la prairie, les témoins de Féraud le pressaient d’aller serrer la main de son adversaire :

— Vous êtes quittes, que diable ! Il n’y a rien de mieux à faire. Ce d’Hubert est un brave garçon...

— Je les connais, ces beaux favoris de généraux ! grommelait entre ses dents le lieutenant Féraud, dont la sombre expression découragea chez ses amis toutes tentatives de réconciliation.

Les témoins se saluèrent de loin en emmenant leurs hommes. L’après-midi, le lieutenant d’Hubert, qu’une grande bravoure unie à un caractère franc et égal rendait très populaire, reçut de nombreuses visites. On remarqua que, contrairement à l’habitude, Féraud ne sortit guère pour recevoir les compliments de ses amis. Les félicitations ne lui auraient pourtant pas fait défaut,