Page:Conrad - Gaspar Ruiz, trad. Néel.djvu/188

Cette page n’a pas encore été corrigée

Tout en parlant, il avait débouclé son fourreau vide qu’il expédia sous le lit, puis abaissant la pointe de son sabre, il passa devant d’Hubert perplexe, en criant :

— Suivez-moi ! A peine eut-il ouvert la porte qu’on entendit un petit cri, et que la jeune soubrette, qui avait écouté par la serrure, recula en trébuchant, le dos de ses mains sur les yeux. Féraud ne parut pas la voir, mais elle courut à sa poursuite et lui saisit le bras gauche. Il l’écarta rudement ; elle se précipita alors sur le lieutenant d’Hubert, et s’agrippa à la manche de son uniforme.

— Misérable ! sanglota-t-elle. Voilà donc pourquoi vous le cherchiez ?

— Laissez-moi, supplia d’Hubert qui s’efforçait de se dégager doucement. On se croirait dans un asile d’aliénés! protesta-t-il avec exaspération. Laissez-moi, je ne lui ferai pas de mal.

Un rire diabolique de Féraud souligna cette affirmation :

— Arrivez ! hurlait-il, en tapant du pied.

Et le lieutenant d’Hubert le suivit, faute de pouvoir faire autrement ; disons pourtant, pour rendre justice à son bon sens, qu’en passant dans le vestibule, l’idée lui vint d’ouvrir la porte de la rue et de se précipiter dehors ; mais il la repoussa aussitôt, convaincu que l’autre le poursuivrait sans honte ni vergogne. La perspective d’un officier de hussards pourchassé dans les rues par un autre officier de hussards, sabre en main, ne pouvait être un seul instant envisagée. Il suivit donc Féraud au jardin. Derrière eux, marchait la jeune fille toute chancelante : les yeux et les lèvres blêmes, elle cédait à une affreuse curiosité. Elle songeait aussi, si le besoin s’en présentait, à s’interposer entre le lieutenant Féraud et la mort.

Le jardinier sourd, parfaitement inconscient du bruit des pas qui s’approchaient, continuait à arroser ses