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— Ce qui est arrivé, avoua-t-il, c’est qu’elle a sauvé la situation.

— Elle vous a fourni un prétexte pour terminer votre sinistre mystification ? hasardai-je.

— Oui, répondit-il, sans se départir de son impassibilité. La farce devait se terminer vite. Et elle se termina en quelques minutes, en effet. Conclusion heureuse qui eût pu être lamentable, si la jeune fille n’était pas arrivée. Son frère ne comptait pas, bien entendu. Ils étaient entrés tranquillement dans la maison, un peu auparavant. La cave aux presses possédait un accès particulier. N’y trouvant personne, la jeune fille s’installa, devant ses épreuves, avec l’espoir de voir rentrer Sevrin d’un moment à l’autre. Mais il ne revenait pas. Elle s’impatienta, entendit à travers la porte un bruit inquiétant dans l’autre cave et vint naturellement voir ce dont il s’agissait.

Sevrin se trouvait parmi nous. Il avait, pour commencer, paru le plus stupéfait de tout le groupe assailli. On l’eût cru, pendant une minute, paralysé par la surprise. Il restait enraciné à sa place, sans bouger un membre. Un papillon de gaz solitaire brûlait près de sa tête ; toutes les autres lumières avaient été éteintes à la première alerte. De mon coin sombre, je vis se faire jour sur son visage rasé d’acteur une expression de surprise attentive et mécontente. Il fronça ses sourcils sombres et laissa tomber avec mépris les coins de sa bouche. Il devait voir clair dans l’affaire, et je regrettais de ne pas l’avoir, tout de suite, mis dans le secret.

Dès l’entrée de la jeune fille, je fus témoin de son évidente inquiétude, qui éclatait et croissait de minute en minute. Son changement d’expression fut aussi soudain que frappant. Et je ne me l’expliquais pas : la raison m’en restait obscure, et j’étais seulement surpris de l’extrême altération de ses traits. Évidemment, il ignorait la présence des jeunes gens dans l’autre cave,