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exemple. Évidemment, on courait le risque d’un échec complet, et le risque plus grand encore d’un accident fatal, provoqué par la résistance ou par des tentatives de fuite. Vous comprenez bien qu’il fallait prendre le groupe d’Hermione Street tout à fait à l’improviste, comme je le sentais tout près de l’être avant longtemps par la véritable police. L’indicateur en faisait partie, et je ne pouvais admettre que Horne dans le secret de mes projets.

Je n’entrerai pas dans le détail de mes préparatifs ! J’eus quelque peine à tout arranger, mais pus disposer la scène avec un réalisme convaincant. La police supposée envahît le restaurant dont on releva immédiatement les volets. La surprise fut parfaite. La plupart des compagnons s’occupaient dans la seconde cave à agrandir le trou de communication avec les sous-sols du grand édifice public. À la première alerte, plusieurs sautèrent instinctivement dans ces caves, où naturellement, de vrais policiers les auraient infailliblement traqués. Nous ne nous occupâmes pas d’eux tout d’abord ; ils étaient bien inoffensifs. Le dernier étage nous causait une grosse inquiétude, à Horne et à moi. Là, entouré de boîtes de Potages en Poudre, un camarade surnommé le Professeur (c’était un ancien étudiant ès sciences), s’ingéniait à perfectionner de nouveaux détonateurs. C’était, sous ses grosses lunettes rondes, un petit homme blafard, distrait et plein de lui-même, qui eût été capable, en cas de fausse alerte, de se faire sauter, et de nous faire tomber à tous la maison sur la tête. Je me précipitai dans l’escalier et le trouvai déjà à la porte, aux aguets, écoutant, comme il me le dit. « les bruits suspects du rez-de-chaussée ». Sans me laisser le temps de lui expliquer tout au long ce qui se passait, il haussa les épaules avec dédain, pour retourner à ses balances et à ses éprouvettes. Il avait bien l’esprit du vrai révolutionnaire. Les explosifs étaient