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l’on n’y voit rien de tout cela ; et parmi tous les arbres qu’il a peints, il n’y en a pas un qui ressemble au palmier, quoique cette espèce d’arbre ait un privilège tout particulier de s’y rencontrer. Il n’est pas vraisemblable aussi qu’entre ces bâtiments dont il a pris tant de soin de faire voir la belle architecture, il eût oublié l’amphithéâtre et l’hippodrome qui contribuoient si fort à la décoration de cette ville, lui qui, en figurant l’Égypte, n’a jamais omis les pyramides, les obélisques et les autres choses qui font connoître ce pays.

Or, si l’on ne voit rien ici de ce qui est particulier à la ville de Jéricho, pourquoi donc ne croira-t-on pas plutôt que c’est la ville de Capharnaüm que le peintre a voulu représenter ; puisque c’étoit une grande ville très peuplée et remplie d’une infinité de magnifiques palais et de riches maisons, comme étant la capitale et la plus considérable de la haute Galilée ? L’on sait qu’elle étoit située sur le bord du Jourdain à l’embouchure de la mer Tibériade, dans le plus fertile et le plus agréable endroit du pays ; que ces lieux maritimes sont accompagnés de rochers, où, d’ordinaire, l’on bâtit des tours et des châteaux. Elle n’étoit distante que d’une petite lieue d’une montagne qu’on appelle aujourd’hui le mont de Christ, parce que Notre Seigneur y alloit souvent, et que ce fut là qu’il prêcha les Béatitudes à ses apôtres, et qu’il fit le miracle des sept pains et des petits poissons. La montagne qui est peinte dans le tableau a beaucoup plus de rapport à celle-ci qu’au mont de la Quarantaine, puisque ceux qui parlent de la montagne de Christ disent qu’elle n’est haute et escarpée que du côté de la mer de Galilée[1] ; que du côté de la terre elle s’élève insensiblement par des collines cultivées et couvertes de plantes et de fleurs très agréables[2]. Qu’au pied de cette montagne il y a une fontaine appelée de Capharnaüm qui sépare ses eaux en trois ruisseaux, dont le premier va se rendre dans la mer entre sa source et la ville de Capharnaüm ; le second passe par la ville de Bethsaïde, et le troisième arrose la terre de Génésar. C’est du côté de la terre que le peintre l’a représentée, parce que l’aspect en est plus agréable que du côté de la mer.

  1. Zualart, lib. iv.
  2. Adricom.