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par lesquelles on puisse présumer que ce soit plutôt Jéricho que Capharnaüm. Qu’il est vrai que Jéricho, au rapport de Josèphe, étoit une ville bien bâtie et dans une situation agréable. Que cette fontaine dont Élisée changea la malignité des eaux, et les rendit salutaires et bénignes, en arrosoit les environs, et contribuoit à la fertilité du pays ; mais Josèphe, tous les géographes anciens et nos voyageurs modernes ne parlent point que sur la montagne qui est proche du lieu où la ville de Jéricho étoit bâtie, il y eût ni des édifices, ni des arbres ; au contraire, ils conviennent tous que cette ville étoit au milieu d’une plaine, environnée de montagnes qui forment comme un amphithéâtre ; qu’il n’y a que le pied des montagnes qui soit orné de quelque verdure, que du reste elles sont stériles, sèches et inhabitées dans toute leur étendue, particulièrement celle qui est la plus proche de Jéricho, qu’on appelle le mont de la Quarantaine, laquelle est un rocher extrêmement haut, escarpé et presque inaccessible. Ce fut là que Notre Seigneur se retira après son baptême, jeûna quarante jours et quarante nuits et fut tenté du diable ; et c’est d’elle apparemment dont parle Josèphe[1], lorsqu’il dit que Jéricho est assise dans une plaine assez près d’une montagne qui est toute découverte, stérile et fort longue, qui est rude, qui ne produit rien, et qui n’est point habitée. L’eau qui est représenté dans ce tableau, et qu’on dit être la fontaine d’Élisée, n’en pourroit être qu’un des ruisseaux ; car cette source jette un gros bouillon qui ne se voit point ici, quoiqu’il fût assez considérable pour le faire remarquer.

Mais, si M. Poussin avoit voulu représenter Jéricho, il auroit fait paroître des marques plus significatives et plus singulières que celles que l’on voit qui peuvent être communes à plusieurs autres lieux. Comme cette ville est nommée la ville des Palmiers en plusieurs endroits de l’Écriture[2], à cause de la grande quantité de ces arbres qui croissent aux environs, il n’auroit pas manqué d’en représenter quelques-uns, et d’embellir ces jardins et ces terrasses de ces beaux grenadiers, et de ces arbres odoriférants dont on tiroit le baume. Cependant

  1. Histoire des Juifs, liv. V, chap. iv.
  2. Deutéron., 34, Judith, 2 et 3, Paral., 28.