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SÉBASTIEN BOURDON
PEINTRE
(1616-1671)

SUR
LES AVEUGLES DE JÉRICHO
Par Nicolas POUSSIN


SOMMAIRE : Description du tableau. — Éloge de Poussin. — L’abeille. — De la lumière matinale. — L’éclat des figures. — Jésus-Christ. — Les apôtres Pierre, Jacques et Jean. — Les aveugles. — Science de la composition familière à Poussin. — Des proportions. — L’artiste s’est inspiré du Gladiateur mourant, de l’Apollon, de la Vénus de Médicis. — Maxime de Raphaël sur les draperies mise à profit par Poussin. — Expression du visage du Christ. — Attitudes des personnages secondaires. — Du coloris. — Objections. — Lacunes dans la conception de la scène représentée. — La défense de Poussin présentée par un académicien. — Débat entre Bourdon et un de ses confrères. — L’architecture dans le tableau de Poussin. — Les ombres portées.


Les Aveugles de Jéricho[w 1]


Le tableau qui fut porté à l’Académie pour être examiné par M. Bourdon est encore de la main de M. Poussin, et d’une grandeur pareille à celui de la manne, dont l’on fit des remarques dans la dernière assemblée ; mais il est aussi différent de celui-ci dans son ordonnance que dans le sujet qu’il traite. Celui de la manne représente un lieu aride et désert, une lumière sombre et mélancolique, des personnes tristes et languissantes, et enfin c’est la vraie image d’une terre inculte, où les enfants d’Israël sont dans une extrême misère. Tout au contraire, dans celui dont je veux parler, le jour y est clair et serein, l’on y découvre un pays divertissant et des objets agréables, et l’on n’y voit guère de figures qui ne paroissent avec la joie sur le visage.

Le soleil n’étant pas encore fort élevé sur l’horizon, les rochers et les bâtiments jettent de grandes ombres et les arbres et le pied des montagnes paroissent encore chargés de

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