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il faut que son ouvrage porte des marques qui expriment sa pensée et qui conviennent à son sujet.

C’est pour cela qu’on voit ces figures dans une langueur qui fait connoître la lassitude et la faim dont elles sont abattues.

Que l’air même est éclairé d’une lumière si pâle et si foible qu’elle imprime de la tristesse. Et quoique ce paysage soit disposé d’une manière très savante et rempli de figures admirables, la vue néanmoins n’y trouve pas ce plaisir qu’elle cherche, et que l’on trouve d’ordinaire dans les autres tableaux qui ne sont faits que pour représenter une belle campagne.

Ce ne sont que de grands rochers qui servent de fond aux figures. Les arbres qu’on y voit ont un feuillage sec et qui n’a nulle fraîcheur, la terre ne porte ni plantes ni herbes, et l’on n’aperçoit ni chemins ni chantiers qui fassent juger que ce pays-là soit fréquenté.

Il dit que ce qu’il appelle parties sont toutes les figures séparées en divers endroits de ce tableau, lesquelles partagent la vue, lui donnent moyen en quelque façon de se promener autour de ces figures, et de considérer les divers plans et les différentes situations de tous les corps, et les corps même différents les uns des autres.

Que les groupes sont formés de l’assemblage de plusieurs figures jointes les unes aux autres qui ne séparent point le sujet principal, mais au contraire qui servent à le lier et à arrêter la vue, en sorte qu’elle n’est pas toujours errante dans une grande étendue de pays. Que pour cela lorsqu’un groupe est composé de plus de deux figures, il faut considérer la plus apparente comme la principale partie du groupe ; et quant aux autres qui l’accompagnent, on peut dire que les unes en sont comme le lien et les autres comme les supports.

Que c’est là qu’on trouve ce contraste judicieux qui sert à donner du mouvement, et qui provient des différentes dispositions des figures dont la situation, l’aspect et les mouvements étant conformes à l’histoire engendrent cette unité d’action et cette belle harmonie qu’on voit dans ce tableau.

Qu’il faut regarder la figure de la femme qui donne la mamelle à sa mère, comme la principale de ce groupe, et la mère et le jeune enfant comme la chaîne et le lien. Le vieil-