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d’ordinaire pour donner une plus belle action à leurs figures, c’est à cause que, celle-ci faisant un groupe avec deux autres qui l’accompagnent dans l’original, son attitude et toute la disposition de son corps servent à faire ce contraste avec les deux autres figures qui sont à ses côtés, ce qui se connoît fort bien lorsqu’on les voit toutes trois ensemble. Il fit remarquer néanmoins qu’il y a dans les membres du Laocoon une diversité d’actions très belle et très conforme au sujet.

Il n’oublia pas de faire voir aussi les fortes expressions qui paroissent dans cette admirable figure, où non seulement la douleur est répandue sur tout le visage, mais encore dans les autres parties du corps, et même jusqu’à l’extrémité des pieds dont les doigts se retirent avec contraction.

Comme il n’y a rien dans cette statue qui ne soit formé avec un art merveilleux, tout le monde demeura d’accord qu’elle devoit être la véritable étude des peintres et des sculpteurs. Mais qu’ils ne devoient pas l’avoir simplement devant les yeux comme un modèle qui ne servît qu’à dessiner ; qu’il falloit en remarquer exactement toutes les beautés, et s’imprimer dans l’esprit une image de tout ce qu’il y a d’excellent, parce que ce n’est pas seulement la main qui doit agir lorsqu’on cherche à se perfectionner dans cet art ; mais c’est au jugement à former ces grandes idées, et à la mémoire à les conserver avec soin.

Et même, comme toutes ces fortes expressions ne se peuvent apprendre en dessinant simplement après le modèle[1], parce qu’on ne sauroit le mettre en un état où toutes les passions agissent en lui, et aussi qu’il est difficile de les copier sur les personnes même en qui elles agiroient effectivement à cause de la vitesse des mouvements de l’âme. Il est donc très important aux ouvriers d’en étudier les causes, et pour voir combien dignement on en peut représenter les effets, on peut dire que c’est à ces belles antiques qu’il faut avoir recours, puisque l’on y trouve des expressions qu’on auroit peine à dessiner sur le naturel.

Aussi de toutes les statues qui sont restées jusqu’à présent, il n’y en a point qui égale celle du Laocoon, qui se voit dans

  1. C’est-à-dire un homme qui sert de modèle dans les académies.