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même que sa bouche, dont la lèvre d’en bas surpasse un peu celle d’en haut, en est aussi une du mépris qu’il fait de son ennemi.

Il ne paroît pas seulement de l’action dans toutes les parties de ce corps ; le peintre a fait en sorte que les choses même qui l’environnent semblent agitées, afin qu’il y ait davantage de mouvement dans la figure.

M. le Brun ayant fait voir comme l’air pressé par la pesanteur du corps qui descend en bas, fait élever en même temps ce qu’il rencontre de plus léger, et le pousse avec violence par les endroits où il trouve quelque passage, fit encore remarquer que non seulement les cheveux de l’ange tout droits sur la tête se portent entre ses deux ailes, où le vent passe avec plus de violence, mais encore que ses écharpes qu’il a autour de lui voltigent de côté et d’autre avec cette observation particulière que les extrémités de celle qui paroît la plus pesante tendent en bas, et les autres demeurent soutenues en l’air.

Ces sortes d’accommodements sont des secrets et des inventions admirables pour faire paroître du mouvement et de l’action dans les corps, et Raphaël a surpassé tous les autres peintres en cela, n’ayant jamais rien omis de ce qui peut contribuer davantage à la belle expression d’un sujet.

Après que M. le Brun eut fait toutes ces remarques, pria la compagnie de vouloir dire aussi son avis sur ce tableau, et soumit ses sentiments à ceux de l’Académie. Mais chacun fut de son opinion et ne trouva rien dans les choses qu’il avoit avancées qui pût être contredit, et qui ne fût très judicieusement observé.

Il y eut néanmoins une personne qui, après avoir reconnu le mérite de Raphaël, entreprit de soutenir que ce tableau n’étoit pas sans défauts ; et, pour le prouver, il posa pour fondement et pour maxime générale que dans quelque membre du corps que ce puisse être, un côté de ce membre ne peut être enflé, que l’autre côté qui est à l’opposite non seulement ne diminue de sa grosseur, mais encore ne se retire et ne fasse une figure toute contraire en sorte que dans une jambe ou dans un bras, les contours doivent être dessinés, de telle manière que leur rondeur et leurs renflements ne soient jamais vis-à-vis les uns des autres.