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Il montra dans toutes les parties de ce corps un contraste très agréable, car, bien que le visage soit de front, le devant du corps néanmoins ne paroît pas de même. L’on voit que l’épaule droite recule, et que la gauche qui avance ne laisse voir que de côté la partie supérieure de l’estomac.

Par-dessous le bras gauche l’on découvre tout le ventre ; la cuisse et la jambe droite, qui paroissent presque de front, font, en s’allongeant en bas, un mouvement contraire à celui du bras droit élevé en haut, et à celui de l’autre jambe qui se ploie et se retire en arrière.

Le démon est disposé avec la même industrie. C’est un corps renversé par terre qui paroît comme écrasé sous la puissance de l’ange. Les parties de ce corps semblent être rompues et brisées, ainsi que M. le Brun fit remarquer particulièrement dans le cou de ce démon, dont le visage est tourné sur les épaules.

Ensuite de la disposition il observa le dessin de ces figures dans toutes leurs parties : de quelle sorte Raphaël a fini jusqu’aux moindres choses, mais surtout combien il a été correct dans le dessin ; ce qui se voit merveilleusement bien dans les contours de tous les membres, comme aux bras et aux mains, aux jambes et aux pieds, où l’on aperçoit au travers d’une chair fraîche et solide les muscles dans leur véritable lieu, qui font l’effet que la nature demande.

Comme une des plus grandes difficultés de la peinture est de bien former tous les contours, Raphaël a été soigneux de les rendre précis et corrects dans ses ouvrages à l’exemple des excellents peintres de l’antiquité, qui étoient si exacts à profiler jusqu’aux moindres membres des corps, afin que l’on en vît mieux la figure, étant certain que c’est la circonscription des lignes (il faut que je me serve de ce mot) qui donne connoissance de la véritable forme du corps. C’est en cela que ce grand peintre s’est conduit avec tant de discrétion, et d’une manière si singulière, que, ne perdant jamais rien de son trait principal, on reconnoît toujours dans ces figures la beauté et la force du dessin, même dans les parties qui sont les plus éloignées, sans qu’il reste pour cela aucune sécheresse ni aucune dureté, quoiqu’il semble avoir penché de ce côté-là dans quelques-uns de ses ouvrages, à cause de cette grande précision de contours dont il étoit si amateur.