Page:Condorcet - Seconde lettre de M. de Condorcet, à M. le comte Mathieu de Montmorency, député du bailliage de Montfort-l'Amaury.pdf/16

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
(11)

Il ſeroit très-vraiſemblable que ce tribunal chercheroit à ne pas être abſolument inutile, & qu’ainsi il auroit l’inconvénient de multiplier, de faire naitre les ſoupçons ſur l’exiſtence des crimes de ce genre, ſoupçons, qui toujours funeſtes pour la tranquillité fourniſſent des armes terribles aux chefs des cabales politiques. Mais pourquoi ne pas confier au même Tribunal élu par les Citoyens la fonction de juger les prévarications des Juges, & de tous les agens du pouvoir, (prévarications qu’il ne faut confondre avec les crimes de lèze-Nation) celle de recevoir les réclamations contre les jugemens contraires au texte de la loi ou aux regles de l’inſtruction, celle de prononcer ſur les conflits de juridiction, ſur les cauſes ou les Membres du Tribunal ordinaire ſont intéreſſés, celle enfin de juger comme Cour d’équité, les cauſes ſur leſquels les la loi eſt muette, ou incertaine. Un tel Tribunal ſeroit plutôt ſurchargé que dénué d’affaires. Il ſera long-tems néceſſaire qu’il en exiſte un de ce genre, & il ne peut exiſter ſans danger s’il n’eſt choiſi par la généralité de la Nation.