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de rendre leur réélection légalement plus rare. En effet, il faut que ſi l’eſprit qui anime l’une ou l’autre des deux Aſſemblées eſt contraire au vœu national, la Nation puiſſe également en changer les Membres. Le Conſeil ne doit pas être conſidéré comme un obſtacle au vœu de la Nation manifeſté par ſes Repréſentans ; mais comme un Corps établi par elle, pour que ce vœu ſoit moins ſujet à s’égarer, mieux conſtaté, & que les Loix rédigées en conſéquence atteignent leur but de la manière la plus utile.

On a propoſé auſſi de faire du même Conſeil un tribunal pour juger les crimes de lèze-Nation. Il me ſemble qu’on doit au contraire maintenir à la rigueur la diviſion du pouvoir légiſlatif & du pouvoir judiciaire. Le Conſeil n’eut-il que le droit de ſuſpendre pour un tems très-court les décrets de l’Aſſemblée, auroit encore trop d’influence ſur la confection des loix, pour que l’on pût lui confier ſans danger les fonctions de tribunal ſuprême.

Je ſens qu’on peut regarder comme dangereuſe l’inſtitution d’un tribunal uniquement deſtiné à juger les crimes contre la Nation, car