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d’amérique sur l’europe.

des îles à sucre eussent été funestes pour la France. La marine française, détruite par une guerre malheureuse, eût laissé l’Angleterre maîtresse de la mer ; bientôt elle eût voulu envahir le commerce de l’Inde, de l’Afrique, des deux parties de l’Amérique.

L’esprit de monopole qu’elle porte dans le commerce l’eût engagée à prendre, même aux dépens de sa propre richesse, les mesures les plus ruineuses aux autres peuples, les eût exposés à tout ce qu’une politique mercantile peut imaginer de vexations et d’outrages. Mais, avant que ce système de machiavélisme eût atteint son but, avant que l’empire britannique se fût divisé, dans combien de guerres les nations de l’Europe n’auraient-elles pas été entraînées ? Car ce système eût été inégalement, mais constamment suivi par des ministres intéressés à occuper leur nation de conquêtes, soit pour se maintenir dans leurs places, soit pour éviter les troubles intérieurs ou la séparation des colonies, soit pour détruire sourdement la constitution et faire naître une monarchie absolue. Peut-être, plus d’un siècle d’oppression et de guerres eût-il précédé l’époque où la division de cet empire eût fait renaître la paix et la liberté des mers. Ainsi, l’humanité peut pardonner à la guerre d’Amérique, en songeant aux maux dont cette guerre l’a préservée.

La même révolution doit rendre les guerres plus rares en Europe.

En effet, on ne peut se le dissimuler, les Américains sont presque absolument les maîtres de faire pencher la balance dans les mers de l’Amérique en