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indignés qu’on ose faire si peu de cas de notre liberté et de notre honneur. Nous savons que ceux qui nous traitent ainsi, n’ont d’autre avantage au-dessus de nous, que de s’être enrichis de nos dépouilles, et cela redouble notre indignation.

Vous dites que nous sommes tentés de regarder les riches comme des êtres d'une nature différente, que leur grandeur est une magie qui nous en impose. Ah ! Monsieur, que nous sommes éloignés de ces idées ! Nous voyons passer quelquefois de ces riches fastueux, et ce n’est point du respect qu’ils nous inspirent ; nous savons combien les métiers qui les ont enrichis, sont moins nobles que les métiers utiles qui nous donnent à peine de quoi vivre. Nous sentons que si leur argent leur donne la facilité d’acheter des jouissances dont nous sommes privés, il ne leur donne aucun droit d’obtenir sur nous des distinctions ou des préférences ; et l’homme en place, le grand seigneur qui leur accorde ces distinctions, se dégrade à nos yeux ; nous le regardons comme un vil esclave de l’or.

Nous payons avec joie la dîme destinée à l’entretien des pasteurs, chargés de nous instruire et de nous consoler. Mais nous savons trouver très-injuste que nos pasteurs soient réduits à partager notre pauvreté, tandis que nos dîmes sont consommées par des abbés et des moines qui, heureusement pour nos mœurs, ont renoncé au soin de nous rien apprendre.

Lorsqu’un malheureux, qui manquait de pain, n’a pu aller travailler quinze jours, sans salaire, à