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SAINT FRANÇOIS SOLANO

à leur cupidité insatiable, s’étaient pris d’enthousiasme pour le P. Solano, en qui semblait revivre l’âme tendre, enivrée du sublime Pauvre d’Assise.

Ils voulurent avoir pour protecteur celui qui, tant de fois, leur avait reproché leurs crimes, et il était à peine mort qu’on lui rendait les suprêmes honneurs. Par la main de ses chefs, Lima vint déposer son blason [1] devant le portrait de l’humble religieux, comme un hommage perpétuel, comme un signe de consécration. Cusco, Panama, Carthagène, Potosi, La Plata et beaucoup d’autres grandes villes le prirent pour patron, et l’amiral de Mandoza mit solennellement sous sa protection la flotte royale.

Tout cela se faisait avec la pompe chère à la vieille Espagne, au milieu des manifestations les plus vives de la joie populaire.

Mais ce n’est pas auprès des conquérants de ces merveilleuses contrées qu’on aime à se représenter le grand missionnaire. C’est auprès des infortunés indigènes, voués à la servitude et à la mort. François Solano fut vraiment pour eux l’envoyé de Dieu, et à travers les ombres lointaines, il apparaît entraînant ces infortunés à l’amour infini, à la joie éternelle.

Chose curieuse, même inexplicable, l’apôtre de l’Amérique du Sud est, chez nous, à peu près inconnu. Dans toute l’étendue du Canada, il n’a pas un autel. Et pourtant, il est le saint par excellence du Nouveau-Monde et Dieu l’a honoré sans mesure.

Son apostolat fut prodigieux. Le P. Solano commandait aux éléments, à la maladie, à la mort. Comme les apôtres, il eut le don des langues. Entré vivant dans la gloire, il inspirait à ses contemporains une vénération sans bornes, et aussitôt après sa mort l’Amérique méridionale demanda à grands cris sa canonisation. Les frais du procès furent votés d’enthousiasme. Mais le culte prématuré rendu au P. Solano tint longtemps suspendues les procédures de l’Église.

  1. Blason poétique où l’on voit les Mages guidés par l’étoile vers le berceau de l’Enfant-Dieu.