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nement à venir pour lequel on opère : or, telle n’est jamais la condition du médecin au lit du malade.

» La statistique mise en pratique, qui est toujours en définitive le mécanisme fonctionnant du calcul des probabilités, appelle nécessairement des masses infinies, un nombre illimité de faits : non-seulement en vue d’approcher le plus près possible de la vérité, mais aussi afin d’arriver à faire disparaître, à éliminer, autant qu’il est possible, et à l’aide de procédés connus, les nombreuses sources d’erreurs si difficiles à éviter.

» Tout diffère dans l’ordre médical ; les faits sont toujours pour nous très limités par la nature même des choses ; ils le sont encore plus par l’impossibilité où nous sommes de les connaître et de les rassembler tous. À côté de quelques centaines de faits publiés par un petit nombre d’hommes qui écrivent beaucoup, il existe des milliers de faits perdus dans l’obscurité de la clinique muette de cette multitude de médecins qui, au milieu d’une utilité pratique de tous les instans, ne peuvent point écrire du tout, et qui même ont à peine le temps de lire un peu. Ainsi donc, en Médecine pratique, les faits sont trop peu nombreux pour entrer dans le domaine du calcul des probabilités ; et de plus, le plus grand nombre de ces faits échappe bien évidemment au calcul, à la comparaison, au contrôle : or tous ces faits perdus, quels élémens, quels résultats introduiraient-ils dans la question, dans cette arithmétique médicale ? Nul n’oserait le dire.

» Les géomètres qui se sont livrés au calcul des probabilités ont tous insisté sur la nécessité d’apporter la plus grande rigueur, l’attention la plus soutenue dans la classification des faits, afin d’éviter ces associations irréfléchies, inexactes, qui conduisent si vite à l’erreur. Tous exigent qu’on ne fasse entrer dans un même calcul que des faits de même genre, des faits comparables entre eux, des faits enfin qui aient été soumis à un examen, à une analyse préalable, de telle sorte que l’on arrive à fixer, autant qu’il est possible, les conditions d’analogie ou de dissemblance qu’ils réunissent.

» Il s’en faut que ces conditions puissent être sévèrement remplies pour les observations de Médecine. Ici on doit craindre tout-à-la-fois et les erreurs qui naissent de la nature même de la question, et les erreurs que peuvent y introduire les hommes qui cherchent à la résoudre.

» Dans un tel ordre de faits, tant de conditions variables, tant de circonstances diverses, tant d’élemens opposés, entrent inévitablement dans la question, et y transportent un si grand nombre d’actions accidentelles, irrégulières, perturbatrices, qu’il est impossible de les renfermer dans des