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quelque préoccupation morale, n’y prêter qu’une demi-attention. Quand elle eut dit adieu à son mari et se trouva dans la rue, seule avec l’oncle Joseph, la pensée de cette entrevue, qui allait la mettre en face de sa mère, avait quelque chose qui la domptait, pour ainsi dire, nonobstant la résistance qu’elle essayait d’opposer à cette étrange sensation. Si, se rencontrant à l’improviste, et se reconnaissant par hasard, elle n’avait pas eu le temps de songer à ce qui se passerait entre elles, cette rencontre n’eût été, après tout, que le résultat naturel de la découverte du Secret. Mais, en l’état des choses, l’attente, l’inquiétude, les tristes récits du passé qui avaient rempli sa dernière journée, toutes ces circonstances avaient exercé sur le caractère de Rosamond, caractère tout d’élan, de subites impulsions, une sorte d’influence accablante. Dans son cœur, pas un mouvement qui ne fût de tendresse et de pitié sincères pour la mère qui lui était rendue ; et néanmoins elle éprouvait maintenant une sorte d’embarras vague qui peu à peu, à mesure qu’elle et son vieux guide arrivaient plus près du terme de leur petite course, était devenu une gêne bien positive, un malaise réel. Au moment de s’arrêter devant la porte où ils allaient frapper, elle eut le chagrin de se surprendre cherchant d’avance de quels mots il faudrait se servir tout d’abord, quelle contenance il faudrait garder, quels gestes se permettre, tout comme si elle allait se présenter à une personne absolument étrangère dont elle désirerait s’assurer la bonne opinion, et dont le bon accueil pourrait, à la rigueur, faire question.

La première personne qu’ils rencontrèrent, une fois la porte ouverte, fut le médecin. Sortant d’une petite chambre inoccupée au fond du vestibule, il s’avança vers eux, et sollicita quelques minutes d’entretien avec mistress Frankland. L’oncle Joseph, laissant Rosamond avec le médecin, monta l’escalier pour aller annoncer à sa nièce la visite qu’elle allait recevoir. Il le monta gaiement, et, avec une activité qu’eût pu lui envier un homme chargé de moitié moins d’années :

« Est-ce qu’elle va plus mal ? Est-ce que ma visite peut lui faire courir quelques dangers ? demanda Rosamond, que le docteur conduisait dans la petite pièce inoccupée.

— Tout au contraire, répondit-il. Elle est beaucoup mieux ce matin, et l’amélioration de son état, je le constate, est principalement due à l’influence calmante d’un message qu’elle a reçu de vous, hier au soir. C’est justement cette découverte