Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/808

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Encore un mot, et l’attention du lecteur (cette attention palpitante que j’ai su concentrer sur moi) sera délivrée de l’obsession à laquelle je l’ai soumise.

Ma pénétration intellectuelle m’avertit qu’ici, trois questions seront posées inévitablement par les personnes douées d’un esprit curieux. Je vais les mentionner : je vais y répondre :

Première question. Quel est le secret de ce dévouement absolu avec lequel madame Fosco se consacre à la réalisation de mes vœux les plus téméraires, à l’accomplissement de mes plus profondes combinaisons ? À ceci, je pourrais fort bien répondre en m’en référant à mon propre caractère, en demandant à mon tour : Où donc trouverez-vous, dans les annales du monde, un homme de ma classe qui n’ait derrière lui une femme s’immolant elle-même sur l’autel de la vie de cet homme ? Mais je me rappelle que j’écris en Angleterre ; je me rappelle qu’en Angleterre j’ai pris femme, et je demanderai si, dans ce pays, les obligations conjugales de l’épouse lui laissent le droit d’examiner, de juger les principes d’un époux ? Non, certainement. Elle lui doit, sans réserve, tout amour, tout respect, toute obéissance. C’est très-exactement ce que ma femme a pratiqué. Je me pose ici sur le piédestal de la morale suprême ; et j’affirme, placé à cette hauteur, qu’elle a rempli avec zèle tous les devoirs à elle imposés par l’hymen. Voix calomnieuses, taisez-vous ! Femmes d’Angleterre, je réclame votre sympathie pour madame Fosco !

Question seconde. Si Anne Catherick n’était pas morte à l’époque où elle mourut, qu’aurais-je pu faire ? — En ce cas, j’aurais aidé la nature épuisée à trouver un repos permanent. J’aurais ouvert les portes de cette prison qu’on appelle la vie, et procuré à la captive (incurablement frappée dans son esprit et dans son corps) une heureuse délivrance.

Troisième question. En soumettant à une révision équitable et calme toutes les circonstances que l’on connaît, ma conduite a-t-elle encouru quelque blâme sérieux ? — Non, répondrai-je avec toute l’emphase de la