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propre femme, en vertu du simple soupçon que l’une et l’autre connaissaient son terrible secret ? La découverte de ce secret aurait pu, à une époque déjà passée, le faire marcher à la potence ; maintenant encore, elle pouvait lui valoir la transportation à vie. La découverte de ce secret, en supposant même que les victimes de sa fraude lui épargnassent les pénalités légales, lui ôterait d’un seul coup son nom, son rang, son domaine, toute l’existence sociale par lui usurpée. Tel était le secret, et désormais, j’en étais maître ! Sur un mot de moi, château, terres, baronnie étaient à jamais perdues pour lui ; sur un mot de moi, il serait réduit à errer par le monde, proscrit, misérable, sans nom, sans argent, sans amis ! Tout l’avenir de cet homme était suspendu à mes lèvres, et, dans ce moment-là même, il le savait aussi bien que moi !

Cette dernière pensée eut pour effet de me rappeler à moi-même. Des intérêts bien autrement précieux que les miens dépendaient de la prudence qui présiderait dorénavant à mes moindres actions. Il n’était pas de trahison possible que sir Percival ne dût essayer contre moi. Dans sa position périlleuse et désespérée, il ne s’effrayerait d’aucun risque, il ne reculerait devant aucun forfait ; bref, pour son salut, il aurait recours indistinctement à tous les moyens.

Je réfléchis durant quelques minutes. La première nécessité pour moi était d’établir, par une preuve écrite bien positive, le fait que je venais de découvrir ; et pour le cas où quelque accident personnel viendrait à m’atteindre, de mettre cette preuve hors de la portée de sir Percival. La copie du registre était certainement en sûreté dans les archives de M. Wansborough ; mais l’original, dans la sacristie, courait de fort grands risques, ainsi que j’avais pu m’en assurer par moi-même.

Dans cette occurrence pressante, je pris le parti de revenir à l’église, de recourir une seconde fois à l’obligeance intéressée du clerc, et de prendre le soir même, avant de me coucher, tels extraits du registre qui pourraient m’être nécessaires. Je ne savais pas, alors, qu’il eût fallu