Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/580

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


IV


Aucune circonstance, même de l’importance la plus minime, ne s’offrit à moi tandis que je me rendais dans Chancery Lane, aux bureaux de MM. Gilmore et Kyrle.

Tandis que l’on passait ma carte au second de ces deux associés, une réflexion me vint que je regrettai vivement de n’avoir pas faite plus tôt. D’après les renseignements fournis par le « Journal » de Marian, il était absolument certain que le comte Fosco avait ouvert la première des deux lettres écrites par elle, de Blackwater-Park, à M. Kyrle, et que, par l’entremise de sa femme, il avait intercepté la seconde. Il connaissait donc parfaitement l’adresse de l’étude, et devait conclure naturellement que si, après avoir fait évader Laura de l’hospice, Marian manquait de conseils et de secours, elle aurait une seconde fois recours à l’expérience de M. Kyrle. Cela étant, l’étude de Chancery Lane était justement le premier endroit autour duquel sir Percival et lui disposeraient leurs espions ; donc, s’ils avaient choisi, pour cette nouvelle mission, les mêmes agents qui m’avaient naguère suivi, avant mon départ pour l’Amérique, le fait de mon retour se trouverait constaté, selon toute apparence, dès ce jour-là même. J’avais, en général, fait entrer dans mes calculs la chance d’être reconnu en courant les rues de Londres ; mais le risque spécial, attaché à ma venue dans cette étude, ne m’avait pas frappé jusqu’à ce moment. Il était trop tard, à présent, pour réparer cette déplorable erreur, — trop tard pour regretter de n’avoir pas arrangé ma rencontre avec l’avocat dans un endroit convenu d’avance, et resté secret entre nous. Je ne pus que me promettre de quitter Chancery Lane avec toute espèce de précautions, et de ne rentrer à aucun prix chez moi par la voie la plus directe.

Après quelques minutes d’attente, on m’introduisit dans le cabinet particulier de M. Kyrle. C’était un homme pâle,