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lait par mon nom, où elle me disait : — Walter, on a voulu tout me faire oublier, mais je me souviens de Marian, et je me souviens de « vous » !… à ce moment, dis-je, moi, qui lui avais déjà donné mon amour, je lui donnai ma vie, remerciant Dieu qui m’avait mis à même, en me la conservant, de la consacrer à cette chère infortunée. Oui, l’heure prévue était arrivée ! À travers des milliers de lieues, parmi des déserts et des forêts, où étaient tombés à côté de moi des compagnons bien autrement robustes ; nonobstant ces mortels périls auxquels, à trois reprises différentes, il m’avait fallu échapper, la main qui pousse les hommes sur la voie obscure de l’avenir m’avait conduit à cette heure prédestinée. Maintenant que Laura était abandonnée et désavouée, rudement éprouvée et changée à faire pitié ; maintenant que sa beauté était flétrie et son intelligence altérée ; maintenant qu’on l’avait dépouillée de sa position dans le monde, de sa place parmi les créatures vivantes ; — maintenant, je pouvais, sans reproche et sans peur, mettre à ses pieds le dévouement que je lui avais promis, cet entier dévouement de mon cœur, de mon âme et de ma force. En vertu de ses malheurs, en vertu de son isolement sans protection, elle m’appartenait, à la fin ! Je l’avais à soutenir, à défendre, à soigner, à guérir. Je l’avais à aimer, à respecter, comme à la fois son père et son frère. Je l’avais à venger au prix de tout danger et de tout sacrifice, — au prix d’une lutte désespérée contre l’ascendant et la puissance aristocratiques, fortifiés par le succès et armés de ruse ; au prix de ma réputation perdue, au prix de mes amis que j’abandonnais, au prix de ma vie que je livrais à tous les hasards.


II


À présent, ma position est définie ; on connaît les mobiles de ma conduite. Il faut reprendre, dans l’ordre